Pacifique 2

      

PACIFIQUE 2

      

      

Port de Moonstown, sud de la Californie. 8h02 pm.

             

J'attends comme un gland cette nana. Elle ne se décidera jamais. Ca fait déjà trois semaines que je galère pour la ficeler. Et rien, elle résiste. Ce sont les meilleures !
  Moi c'est Christian. Chris pour les intimes. Et ils sont  nombreux. Ou plutôt elles.
Je bosse dans l'entreprise de mon father au nord de la ville. Une fabrique de pneus, je sais, c'est pas glorieux. Mais elles, elles s'en foutent de ça. Rien qu'à voir ma bagnolle, elles tombent toutes. Et je les comprends. J'ai économisé des mois pour me la payer. Oh bien sûr elle tombe souvent en panne mais même à l'arrêt, elle fait sont effet.

             

J'ai toujours vécu ici dans ce petit bled un peu pommé, au milieu d'un état qui se trouve être le centre du monde. Beaucoup de gens me connaissent ici. Tout le monde se connaît ici. Et ma réput' a fait le tour de la ville.
Mes potes m'appellent parfois Roger. Pour me charrier. Vous ne comprenez pas pourquoi ? C'est normal, c'est pas drôle. Moi non plus j'ai pas compris au début. Roger, comme Roger Rabbit, le lapin. Et quel est le truc des lapins ? Bah oui, voila. Oh je m'en plains pas. C'est finalement un compliment, et puis les gonzesses ça les questionne : elles veulent savoir si c'est vrai ou pas. Et elles sont nombreuses à pouvoir répondre ! Haha !

 

La première j'avais onze ans, elle seize. Une copine de mon frère. J'avoue je flippais un peu mais je crois que c'est elle qui m'a refilé le goût de ce vice. Je m'en rappelle comme si c'était hier. On est allé au Mac'do, elle avait le permis. On a fait ça dans la voiture de ses parents. Et depuis, j'arrête plus. Au bout de la sixième nana, je me suis dit : « T'en es déjà à ta sixième conquête et tu te souviens déjà presque plus de la deuxième, c'est con !»

      

J'ai alors pris un carnet pour y noter leur nom, prénom, ainsi que quelques petits mots pour expliquer comment on s'était rencontré, ou et pourquoi. Bien sur, comme tous les mecs, je leur mets aussi des notes avec appréciations (comme disaient mes profs). Je m'amuse souvent à les feuilleter (oui aujourd'hui j'ai plusieurs carnets) : Kelly, Nicole, Caroline, Melissa, Carla, Joan, Eva… Je pourrais vous raconter certaines de ces aventures. Comme cette histoire avec Maria, une mexicaine amoureuse de ma voiture. Elle ne voyait que par elle. Ca en devenait bizarre. Elle ne voulait faire l'amour que dans ma caisse. Au début, je trouvais ça drôle et puis j'ai rapidement lâché l'affaire.

      

Y'avait Suzanne. LA Suzanne. Une merveille. Je crois même que j'étais amoureux. C'était une ex de mon père. Forcément plus vieille et donc avec une sacrée expérience. Ca m'intimidait presque. Ca a quand même duré trois mois. Je commençais à m'accrocher. Et du jour au lendemain, plus rien. Disparue, plus de trace. Ca m'a fait un choc et j'ai mis presque deux mois à retrouver mon « allure » habituelle.

      

Janis et Lucy, les deux inséparables. Bien heureusement pour moi, les coquines ! Qu'est-ce qu'on a pu faire tous les trois !

      

Bref, hier j'ai jeté un coup d'œil au carnet en cours :  155. J'en suis a 155.

         

Mais qu'est-ce qu'elle peut se faire attendre cette 156^ème. C'est sûr, la vue est belle ! Couché de soleil sur l'océan. Mais quand même ! La ponctualité, ça n'a pas l'air d'être son fort !
Et j'ai la dalle ! Je dois avoir un bonbec dans une de ces poches. Ah, voila ! Vire moi ce papier ! Tiens, ça me calera peut être un peu, mais ça apaisera pas mon impatience. Il est 8h10, eh bien je lui dirai à Jenifer que je l'ai attendu mais que finalement j'ai laissé le Pacifique derrière moi, là, sur le quai, juste en dessous d'un papier de bonbec.